Brushes and sticks
Bon... Où on en était, nous ?
Ah oui. Il y avait un petit «Vingt» sur le feu... Alors : des clap-claps pour Eric Löw, qui a reconnu l'ineffable Clark Terry, et d'autres clap-claps pour David, qui a identifié le batteur-leader, le one and only Ed Thigpen, et le guitariste Kenny Burrell -- le contraire m'eut étonnée ! Complétaient ce joli groupe le contrebassiste Ron Carter et le pianiste Herbie Hancock, compositeur de l'infâme «Rock It» que l'on entend beaucoup ces temps-ci à la télé en bande-son de la dernière pub Renault.
Le titre de l'album ? Out of the Storm (Verve Elite Edition 314 557 100-2, probablement épuisé, probablement aussi réédité) -- c'était également le titre du morceau en écoute, d'ailleurs... j'aurais bien casé un petit «éponyme» dans ma phrase, mais vu comme elle est tournée, c'est malheureusement impossible... toutes mes excuses. Pas de photo de la pochette non plus, ce sera pour plus tard dans la journée, sans doute.
C'est vrai qu'il n'était pas facile à trouver, celui-là, tant le jeu, l'approche même de Ed y sont différents de ce que l'on connaît le mieux de lui, à savoir les faces gravées aux côtés d'Oscar Peterson. Out of the Storm est en ceci une oeuvre à part dans la discographie du batteur -- déjà, il s'agit de son premier enregistrement en leader : à 36 ans, il était temps. De sa première collaboration aussi avec Ron Carter et Herbie Hancock (naguère voué aux gémonies par le Docteur L. pour son jeu pas «hot» du tout sur le «Struttin' with Some Barbecue» final, ce qui me fait toujours autant rire). Out of the Storm est aussi indubitablement un disque de batteur, sans les défauts souvent inhérents à la chose : marqué de bout en bout par l'extraordinaire personnalité musicale de son auteur, mais sans le côté esbroufe qui entache souvent ce genre de projets. Il faut dire qu'il n'a pas besoin de ça, Mister Taste. Déjà, pour être batteur, il n'en est pas moins fin mélodiste : «Je voulais utiliser les toms comme j'aurais utilisé un tympani», explique-t-il, «et que l'un des éléments de la batterie soit accordé de façon à être dans les harmonies du thème. A l'époque, je changeais la tension des peaux en appuyant dessus avec mon coude. J'ai utilisé le procédé sur la plupart des morceaux». Comme par exemple le délicieux «Cielito Lindo» ou l'impeccable «Elbow and Mouth», également remarquable pour le solo d'embouchure de Clark Terry -- merveilleux de bout en bout. D'ailleurs, pour Ed, aucun doute : «Je pense que Clark, sur cet album, joue certaines choses qu'il n'avait jamais jouées auparavant. C'est l'un de ses meilleurs disques.» J'ajouterai, puisque la modestie de Mister Taste l'empêche de l'ajouter lui-même, que c'est sans doute parce que son leader du jour lui a laissé toute liberté de s'exprimer comme il l'entendait...
Deux plages à part sur cet album à part : «Out of the Storm, Into the Calm of the Sea» donc, et «Heritage», fortement marqué par l'influence africaine, bien sûr. Quand on lui demanda au moment de la réédition comment il avait pu décrire ce dernier morceau à son groupe, il répondit simplement : «C'est notre héritage, il vient de là d'où nous venons. C'est notre langage.» Question de Peter Pullman : «Vous avez juste dit "héritage", et le groupe a suivi ?» Réponse de Ed : «Exactement. Dans la première partie du morceau, vous entendez la batterie jouée à mains nues, c'est l'influence africaine. Mais c'est un langage, pas vrai ? Ils jouent vraiment dans le même langage que moi. Mais il est difficile de trouver des musiciens qui comprennent cette conception des choses... et je ne pense pas avoir vraiment essayé d'en trouver. Mais ces types-là, ils sont spéciaux.»
Et comment !
«Elbow and Mouth» - Clark Terry (tp) Herbie Hancock (p) Kenny Burrell (g) Ron Carter (b) Ed Thigpen (d) - Enregistré entre le 18 et le 20 avril 1966 à Englewood Cliffs, New Jersey (ingénieur du son : Rudy Van Gelder, producteur : Creed Taylor).