Ellingtoniennement vôtre

Publié le par Lady D.

   Si je vous dis que vous avez tous entendu Bill Mays au moins une fois dans votre vie, vous allez encore dire que je yoyote...
   Remarquez, je peux me tromper. Tout le monde n'a peut-être pas vu «Shaft 2», «L'Arme Fatale», «Interview avec un Vampire», «Rocky», «Mission to Mars», «Dans la Peau de John Malkovich» ou «Fargo»... ni aperçu par inadvertance, par une après-midi de zapping effréné, un épisode quelconque de «Dallas» ou «Kojak»... a
utant d'oeuvres plus ou moins immortelles qui ont au moins une chose en commun : si vous entendez un piano, ou un clavier, il y a de grandes chances pour que Bill soit derrière...

   Côté musique pure, voilà un homme qui a une carte de visite impressionnante. On y retrouve pêle-mêle les noms de Gerry Mulligan, Sarah Vaughan, Benny Golson, Dionne Warwick, Freddie Hubbard ou Barry Manilow - tandis que nulle trace enregistrée ne subsiste, semble-t-il, de ses rencontres avec Aretha Franklin, Sonny Stitt, Phil Woods, Frank Sinatra et... Frank Zappa.

   Mais venons-en à An Ellington Affair,gravé en 1994 (Concord CCD-4651), encore un CD que je n'avais pas écouté depuis un bon bout de temps et que je n'en retrouve qu'avec d'autant plus de plaisir, pour tout plein de raisons. D'abord, parce que toute visite guidée du répertoire ellingtonien est bonne à prendre ; ensuite, parce que, aux côtés de Bill, on y retrouve John Goldsby, solide accompagnateur et excellent soliste, doté en prime d'un beau jeu d'archet, et le merveilleux Lewis Nash ; enfin, parce que j'ai toujours adoré la fantaisie, l'originalité, l'humour du jeu de Bill... même si je n'adhère pas forcément à l'ensemble de ses conceptions.

   Tout commence par un «I'm Just a Lucky So and So» bouncy à souhait : ah, la main gauche de boogie de Bill, ce solo gorgé de blues, la contrebasse élastique de John Goldsby et le shuffle de Lewis Nash... Tout ce qu'il y a de plus «dans la tradition», jusqu'ici... pas de quoi se relever la nuit, me direz-vous. Peut-être, mais vous ne connaissez pas ce diable de Bill Mays ; avec lui, il faut toujours se méfier. Voyez plutôt l'intrigante relecture de «Satin Doll» qui suit, comment il démonte la grille harmonique tellement familière pour reconstruire un morceau entièrement différent - en 5/4, pour ajouter un peu de piment à l'exercice.
   J'ai aussi un faible pour «I Let a Song Go Out of my Heart», essentiellement parce que cette plage est presque entièrement dévolue au jeu de balais dansant et merveilleusement léger du «Nash Man», que ce soit sur l'exposé du thème ou en chase avec Goldsby - mais il y a aussi ici un solo pêchu de piano et, serties dans le retour au thème, une petite surprise harmonique tout ce qu'il y a de plus typique de Bill et quelques mesures en stride absolument délectables. Quand je vous parlais d'humour...
   Une relecture sensible et délicate de «Day Dream» plus loin, voilà le rapide «Wig Wise» - a hundred per cent pure bop 'à la' Mays, our favorite brand ! - avec encore un bon solo à l'archet de Goldsby, à la façon d'un Paul Chambers, et quelques interventions impeccables de Lewis Nash, en chase avec le piano taquin de Bill.
   Autre joli moment, ce «"Flower" Medley», chatoyant bouquet qui rassemble «Little African Flower» (beau travail de Lewis Nash, sur les toms), «Single Petal of a Rose» (exposé par l'archet sensible de John Goldsby) et «Passion Flower», relevée d'une pointe de rythme latin...
   Mais voilà «Dancers in Love», un extrait de la «Perfume Suite» ; une courte pièce bourrée de swing et d'humour, qui fait encore une fois la part belle au jeu de balais de Lewis Nash - là où, dans la version ellingtonienne d'origine, l'orchestre au grand complet frappait dans ses mains et claquait des doigts !
   Une jolie relecture valsée de «Don't You Know I Care (or Don't You Care to Know)» précède le seul original du CD, «My Azure (To Duke)», signé Bill Mays, et qui évoque furieusement le «Azure-Te» du Duc - arpèges ellingtoniennes comprises.
   Et c'est sur un superbe «Something to Live for», en solo, que se referme ce si joli CD... Quoi, déjà ? Et... si je le remettais ?

   Une visite sur le site de Bill ? Excellente idée :

http://www.billmays.net/

   De là, je vous suggère également un petit tour sur celui de sa femme Judy, photographe de son état - c'est à elle que sont d'ailleurs dues les photos de la plupart des disques récents de Bill. Vous y trouverez quelques jolis portraits de musiciens... mais pas seulement, et de somptueux paysages, aussi :

   http://www.judykirtleyphotography.com/

   Et... quelque chose me dit que ce n'est pas la dernière fois que nous allons rencontrer Bill dans ces pages...

 

 

«I Let a Song Go Out of My Heart» - Bill Mays (p) John Goldsby (b) Lewis Nash (d) - Enregistré le 22 juillet 1994 à Brooklyn, New-York.

Publié dans disques de chevet

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P
m'énerve ces codes et ces ///
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L
Eh ben mon Pascal, on craque ?
P
J\\\'avais pas laissé de com à çà, moi? Pas temps pour la musique d\\\'ailleurs... il me semble que j\\\'avais entendu un album de lui en mode Jazz rock insipide qui ne m\\\'avait que donné envie d\\\'arrêter le massacre (le pire c\\\'est que je me trompe peut être de bonhomme... il me semble que c\\\'était sur Grp... mais ça remonte à loin et c\\\'est loin de m\\\'avoir laissé un souvenir imperissable...).. et comme ce disque là, à l\\\'époque, on ne pouvait pas l\\\'écouter... mais "tout le monde n\\\'a peut être pas vu Shaft 2, l\\\'arme fatale, interview avec un vampire, rocky, Mission to Mars, Dallas ou Kojak..."  bah, dis donc outch... ça donne envie ça! Et pourquoi pas professeur Foldingo et Bud & Spencer au pays des chamalos? Lady, sérieux... t\\\'es pas au point là sur la promo de tes chouchous! Parcequ\\\'il est plutôt sympa ton disque en plus, si on s\\\'en refère à l\\\'extrait, une relecture bien contemporaine mais qui ne renie rien querstion swing et mélodie, une jolie impression de facilité de balancement naturel ou tout semble couler de source. Les 4/4 s\\\'enchainent sans casser l\\\'omogeneité bref , tu peux rajouter independance Day et Scary Movie je reviendrai m\\\'en remettre une petite dose cette aprèm\\\'
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L
Il est fort possible que tu aies entendu Bill dans des contextes moins... euh... enthousiasmants. Mais il sait aussi swinguer, l'animal ! Ce qui me rappelle que je n'arrive plus à mettre la main sur un de ses derniers CDs, j'ai le digipack, mais il est vide. Peut-être les parents qui l'ont retenu en otage...Sacré coup de promo, t'as vu ça ?