Les Aristochats
Oui, au fait. Pourquoi Edward Kennedy Ellington est-il plus connu sous le nom de «Duke» Ellington ? Pourquoi William Basie se faisait-il appeler «Count» ?
Pour Duke, aucun doute. Une seule version, donnée par l'intéressé lui-même.
«C'est juste avant de rentrer au lycée que je suis devenu "Duke". J'avais un copain, Edgar McEntree, un type plutôt raffiné qui s'habillait toujours très bien. Il était d'un bon milieu social et très populaire ; il organisait des fêtes, ce genre de choses. Je pense que pour être digne de sa compagnie constante je devais avoir un titre. Aussi me surnomma-t-il Duke.»
Pour Count, les choses se compliquent. Trois versions. Celle de John Hammond, d'abord :
«C'est l'annonceur de la radio WHB, à Kansas City, qui donna à Basie le surnom "Count" parce que, comme il le fit remarquer, il y avait un Earl Hines, un King Oliver et un Duke Ellington, et que Bill Basie se devait d'intégrer l'aristocratie du jazz.»
( NDT : «Earl» (baron) n'est pas un surnom, mais un prénom : voir le chanteur Earl Coleman, entre autres)
La version de Basie, maintenant :
«J'ai décidé de me surnommer le "Count". Je connaissait King Oliver, et je savais qu'on appelait Paul Whiteman le "King of Jazz". Duke Ellington était en train de devenir l'un des musiciens les plus célèbres à Harlem et à la radio, et Earl Hines et Baron Lee étaient connus, eux aussi. Donc, j'ai décidé que j'allais devenir un grand nom moi aussi ; d'ailleurs, je me suis fait faire des petites cartes de visite qui disaient : "Count Basie. Beware the Count is Here" (attention, le Comte est là).»
Troisième version, celle du tromboniste et guitariste Eddie Durham :
«C'est moi qui ai donné à Basie le surnom de "Count". C'est là que tout le monde a commencé à l'appeler "Count". Benny Moten disait toujours : "Oh, that guy ain't no 'count'" (NDT : "That guy is no account", ce type ne vaut pas grand-chose). Alors, j'ai composé un morceau que j'ai appelé "The Count" et je l'ai donné à Bennie pour qu'il le joue. Tout le monde s'est mis à rire. Basie ne comprenait pas, il ne savait pas que Bennie disait toujours qu'il ne valait pas grand-chose. Parce que souvent, Bennie disait : "Basie, mec, joue-moi ce morceau, je n'arrive pas à le lire". Basie s'asseyait, jouait le passage, se levait et disparaissait. Et Bennie disait : "Où est ce type ? Il ne vaut vraiment pas grand-chose !". C'était ce qu'il disait toujours. C'est pour ça que j'ai appelé ce morceau "The Count".»
(NDT : le pianiste Bennie Moten était le leader de l'un des orchestres les plus importants des années 20 ; vers la fin de la décennie, il abandonna le piano à Basie pour se consacrer à la direction de son orchestre. A sa mort, en 1935, Basie forma son big-band avec une bonne partie des musiciens de l'orchestre).